Voici la dictée que Prosper Mérimée proposa à Napoléon III, durant un séjour à Fontainebleau:Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l'amphitryon, fut un vrai guêpier.
Quelles que soient, quelque exiguës qu'aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu'étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, bien que lui ou elle soit censée les avoir refusées et s'en soit repentie, va-t'en les réclamer pour telle ou telle bru jolie par qui tu les diras redemandées, quoiqu'il ne te siée pas de dire qu'elle se les est laissé arracher par l'adresse des dits fusiliers et qu'on les leur aurait suppléées dans toute autre circonstance ou pour des motifs de toute sorte. Il était infâme d'en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et malbâtis, et de leur infliger une raclée, alors qu'ils ne songeaient qu'à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.
Quoi qu'il en soit, c'est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s'est laissé entraîner à prendre un râteau et qu'elle s'est crue obligée de frapper l'exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés ; une dysenterie se déclara, suivie d'une phtisie, et l'imbécillité du malheureux s'accrut.
—Par saint Martin ! quelle hémorragie ! s'écria ce bélître.
À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l'église tout entière.
Et voilà le classement qu'annonça Mérimée, une fois terminée la correction des augustes devoirs:
«Sa Majesté l'empereur: 75 fautes;
Sa Majesté l'impératrice: 62;
la princesse de Metternich: 42;
M. Alexandre Dumas: (de l'Académie française): 24;
M. Octave Feuillet (de l'Académie française): 19;
le prince de Metternich (ambassadeur d'Autriche): 3;
C'est alors qu'Alexandre Dumas, se tournant vers le prince de Metternich, lui demanda avec grâce: «Quand allez-vous, prince, vous présenter à l'Académie pour nous apprendre l'orthographe?»
Prosper Mérimée Prosper Mérimée est un écrivain, historien, archéologue français né à Paris le 27 septembre 1803 et mort à Cannes le 23 septembre 1870.
Mérimée aimait le mysticisme, l’histoire et l’inhabituel. Il a été influencé par la fiction historique popularisée par Walter Scott et par la cruauté et les drames psychologiques d’Alexandre Pouchkine. Souvent, les histoires qu’il raconte sont pleines de mystères et ont lieu à l'étranger, l'Espagne et la Russie étant des sources d'inspiration fréquentes. Une de ses nouvelles a inspiré l’opéra Carmen.
Prosper Mérimée a étudié le droit ainsi que de nombreuses langues : grec, arabe, anglais et russe. Il est l’un des premiers traducteurs de nombreux livres de langue russe en français.
En 1834, il succède à 31 ans à Ludovic Vitet comme inspecteur général des Monuments historiques. Le père de Prosper Mérimée occupait la fonction de secrétaire dans le même établissement. Il conserve cette fonction jusqu’en 1860. Il a effectué tous ses voyages avant la fin de l’installation du chemin de fer.
En 1830, Mérimée rencontre la Comtesse de Montijo en Espagne. Ils sympathisent. Quand la fille de la comtesse devient l’impératrice Eugénie en France en 1853, Mérimée devient sénateur.
En 1844, il est élu membre de l’Académie française.