Mort de Pierre Vidal-Naquet, historien de la Grèce antique et intellectuel engagé
PARIS (AFP) - 31/07/2006 07h32 - L'historien de la Grèce antique, Pierre Vidal-Naquet, intellectuel engagé, notamment contre la torture pendant la guerre d'Algérie, est décédé dans la nuit de vendredi à samedi à l'âge de 76 ans, a-t-on appris dimanche auprès des éditions La Découverte.
Pierre Vidal-Naquet était dans le coma depuis lundi à la suite d'une hémorragie cérébrale. Il est décédé à l'hôpital de Nice, a-t-on précisé de même source.
"L'affaire de la torture a été la première grande cause de ma vie", rappelait-il en janvier au journal Libération. En 1957, Pierre Vidal-Naquet, alors assistant à la faculté des lettres de Caen, milite activement contre la guerre en Algérie. Il crée avec d'autres le Comité Maurice Audin, du nom d'un jeune universitaire d'Alger, enlevé par des parachutistes français, torturé à mort, puis officiellement porté disparu.
Ce "grand savant de la Grèce antique" était "l'archétype de l'intellectuel dreyfusard", a déclaré dimanche à l'AFP François Gèze, PDG des Editions La Découverte, l'un de ses éditeurs.
Né le 23 juillet 1930 à Paris, Pierre Vidal-Naquet, dont le père, avocat de renom, était entré très tôt dans la Résistance pour ne pas devenir "un juif errant", se définissait lui-même comme un "historien militant".
En mai 1944, ses parents sont arrêtés par la Gestapo. Ils disparaîtront dans le camp d'extermination nazi d'Auschwitz. Pierre Vidal-Naquet a consacré sa vie à leur rendre hommage en s'engageant dans la lutte contre la raison d'Etat et la tyrannie, intervenant dans la plupart des grands débats des dernières décennies.
Dénonciateur de la torture en Algérie, adversaire du pouvoir des colonels en Grèce, favorable à la création d'un Etat palestinien, engagé à gauche, mais hors des partis politiques, Pierre Vidal-Naquet multiplie les pétitions, lettres à la presse, créations de comités de soutien, intervenant sans relâche dans les principaux dossiers judiciaires et politiques.
Docteur ès-lettres et agrégé d'histoire, chercheur et universitaire, il sera également l'un des premiers à démonter les thèses des négationnistes, qui nient la réalité du génocide juif et l'existence des chambres à gaz d'Auschwitz.
Sa signature figure aussi au bas de la pétition "Liberté pour l'histoire!", lancée fin 2005 par des universitaires jugeant qu'"il n'appartient ni au Parlement, ni à l'autorité judiciaire de définir la vérité historique" et réclamant l'abrogation d'articles de loi ayant trait à l'histoire.
Directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) depuis 1969, Pierre Vidal-Naquet laisse une oeuvre abondante, non seulement sur l'Antiquité, mais également sur l'histoire juive et l'histoire contemporaine.
Après "L'affaire Audin" en 1958, il a notamment publié "Mythe et tragédie en Grèce ancienne" (en collaboration, 1972 et 1986), "Les assassins de la mémoire" (1987), "Réflexions sur le génocide" (1995) et "Les crimes de l'armée française: Algérie 1954-1962" (2001).
Son dernier ouvrage, "L'Atlantide. Petite histoire d'un mythe platonicien", est paru en 2005 aux éditions Les Belles Lettres. Un livre qu'il disait avoir "porté en lui depuis un demi-siècle", selon cet éditeur.
Marié et père de trois enfants, Pierre Vidal-Naquet était officier de la Légion d'honneur et, en Grèce, commandeur de l'Ordre du Phénix.
Source: TV5